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4 min

Le suivi des controverses : développements et bonnes pratiques

Intégrer un suivi des controverses ESG dans le processus d’investissement est crucial pour identifier et anticiper les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, et ainsi éviter les impacts négatifs sur les entreprises et les investisseurs.
Rédigé par
Raphaèle Védy
Publié le
19/6/2024

Intégrer un suivi des controverses dans le processus d’investissement est une pratique très répandue sur la Place. Une controverse renvoie à l'implication d'un émetteur public ou privé dans des incidents liés aux facteurs ESG. Comme pour l’ensemble des enjeux liés à la durabilité, les controverses peuvent être de nature environnementale, sociale ou être la conséquence de pratiques de gouvernance d’une société.

Par conséquent, l’apparition d’une controverse est toujours associée à un impact négatif sur l’écosystème et les parties prenantes d’une entreprise. Pour l’entreprise, cela représente de fait un risque pour ses activités et sa réputation. Pour un investisseur, un risque supplémentaire de greenwashing peut émaner de la détention de positions dans une entreprise controversée : il est donc essentiel de mettre en place un système d’alerte efficace permettant à la fois d’identifier les controverses passées et présentes et d’anticiper les controverses futures associées à un émetteur.

Notre constat

En juin 2023, WeeFin publiait le baromètre de la finance durable faisant état des lieux des pratiques ESG & impact des gestionnaires d’actifs, basé sur un panel de 50 fonds Article 8 et 9 au sens de SFDR. 

Le suivi des controverses était déjà une zone d’analyse du baromètre de 2023, car il permet d’avoir une vision dynamique et à jour des pratiques des entités sur lesquelles le fonds investit, là où les données ESG sont une vision des pratiques passées (du rapport N-1, voire N-2). 

Cette année, nous avons voulu réitérer cette analyse tout en l’affinant : pour 75 portefeuilles, nous avons vérifié si un suivi systématique et formalisé des controverses sur les thématiques ESG était réalisé (veille régulière, voire continue, processus d’escalade, comitologie, etc.). Ainsi, les nouvelles données collectées traitent séparément les fonds pour lesquels aucun suivi des controverses n’est assuré et les fonds pour lesquels ce suivi, bien qu’existant, ne permet pas d’avoir une vision dynamique et à jour des pratiques des émetteurs (par exemple, dans le cas d’un processus de veille non formalisé et systématisé). Dans les deux cas, la probabilité d’investir dans des sociétés ayant des pratiques contraires aux principes environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance reste élevée et accroît le risque de greenwashing. 

Notre étude a ainsi révélé que 78% des gérants d’actifs ont déployé une procédure de gestion des controverses suffisamment robuste pour s’assurer de la maîtrise des risques ESG ! Ces résultats sont encourageants : la plupart des acteurs préviennent efficacement le risque de greenwashing en accordant une place appropriée à la gestion controverses dans leur stratégie d’investissement. Néanmoins, l’existence de manquements dans les pratiques de suivi des controverses de certaines sociétés de gestion a également été mise en avant.

En effet, les résultats suivants ont été observés : 

  • 12% des fonds analysés n’ont pas encore défini un processus de veille permettant d’identifier les controverses potentielles et avérées ;
  • 22% des fonds analysés ont intégré à leur processus d’investissement une veille des controverses, mais leur suivi est insuffisamment formalisé et systématisé.

Comment expliquer ces résultats ?

Les résultats de l’analyse menée en 2024 demeurent positifs : ils sont liés à une prise de conscience de la gravité du risque que peuvent représenter les controverses par l’ensemble du secteur financier, en réaction à la multiplication des scandales ESG. Par conséquent, les différents métiers financiers ont travaillé en faveur du déploiement de politiques de gestion des controverses ambitieuses, en organisant la collecte de données d’une part, et la formalisation de procédures de suivi des controverses d’autre part. Toutefois, la gestion des controverses est un exercice complexe, et il est possible que les sociétés de gestion rencontrent des difficultés dans l'implémentation et la mise en œuvre de leurs politiques. En particulier, trois enjeux peuvent freiner les acteurs : 

  1. Tout d’abord, il n’existe à ce jour aucun cadre réglementaire qui guide les entreprises financières dans l’intégration des controverses dans leurs stratégies d’investissement (seul le régulateur français a émis des recommandations). Une évolution a vu le jour du côté des labels (ISR, Greenfin, Towards Sustainability), qui commencent à intégrer des critères relatifs aux controverses dans leurs exigences. 
  1. Deuxièmement, un suivi exhaustif des controverses requiert de couvrir un périmètre considérable d’émetteurs, puisqu’aucune activité économique n’est préservée de ce risque. Certains secteurs d’activité sont davantage exposés aux scandales ESG que d’autres : c’est le cas des secteurs du textile, de l’agro-alimentaire ou encore de l’immobilier, qui peuvent faire l’objet de controverses particulièrement sérieuses et/ou fréquentes. Néanmoins, il est impossible d’exclure l'apparition de contestations dans une entreprise moins exposée ; c’est pourquoi il est presque toujours nécessaire de faire à appel à des fournisseurs de données externes privés. Cela implique de consacrer des moyens économiques, techniques et humains importants pour obtenir les données ESG et les intégrer à la gestion des controverses de façon pertinente.
  1. Enfin, il est difficile pour les acteurs de définir un processus de prise en compte des controverses et d’escalade qui n’ait pas un impact excessif sur leur stratégie d’investissement. Lorsqu’un investisseur détient des positions sur un actif faisant l’objet d’une controverse, l’une des seules réponses possibles est la vente rapide de ces positions. Or, d’une part, cette réaction est très contraignante au regard des objectifs financiers de la société d’une part. D’autre part, la vente peut être rendue impossible par la faible liquidité des titres controversés.

Pour toutes ces raisons, certains acteurs demeurent exposés à un risque de greenwashing lié à la gestion des controverses.

Comment prévenir le risque de greenwashing ?

Expertise : 

  • Effectuer une veille continue pour permettre une couverture la plus large possible des entreprises en portefeuille ;
  • Définir une classification des controverses et créer un processus d'escalade permettant d'assurer la gestion des controverses après les avoir identifiées.

Données : 

  • Se saisir des données des fournisseurs privés et publics pour permettre une classification des controverses appropriée ;
  • Construire des méthodologies de notation ESG et identifier les indicateurs à surveiller qui permettent d’anticiper les cas de controverse en relevant les éléments alarmants (ex : taux de turnover élevé, augmentation du taux de déchets, etc.).

Outils : 

  • Regrouper l’ensemble des processus associés aux controverses au sein d’un même outil, allant de la veille à la prise de décision en comité en passant par l’analyse et l’application d’un processus d’escalade ;
  • Utiliser des outils qui permettent de lier les controverses aux processus d’investissement et d’engagement.

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