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6 min

Sources publiques, un potentiel insuffisamment exploité par les acteurs financiers

Entre désert et jungle, les acteurs de la Place financière peinent à trouver leur bonheur dans les sets de données ESG qui leur sont proposés. WeeFin vous propose un décryptage pour appréhender une solution alternative encore trop peu utilisée et qui permettrait pourtant de pallier les nombreux freins à l’accès de la donnée : les sources publiques.
Rédigé par
Lyna MERRAR et William ROUET
Publié le
5/2/2024

Pour illustrer notre analyse, nous avons eu la chance d’interroger Katrin Ganswindt, Campaign Manager chez Urgewald et Freya Bannochie, Lead chez Forest IQ.

Dans un contexte où la pression réglementaire ne cesse de croître pour assurer la viabilité des données que les sociétés financières utilisent, les enjeux autour de ces données sont nombreux et significatifs : identification, disponibilité, fiabilité, acculturation, coût, etc. 

Pour accéder aux données ESG, les sociétés financières ont recours à 3 solutions :

  • Les fournisseurs privés ; 
  • Les sources publiques ; 
  • Les données collectées en interne, souvent pas les équipes d’analyse ESG. 

Les sources de données publiques offrent des sets de données consultables et exploitables par tous et gratuitement (ou presque…). 

Comment intégrer ces données à vos processus ESG ? 

À la genèse des données publiques, des travaux de recherche pour adresser les enjeux de durabilité

Par essence, les données publiques sont le fruit de travaux menés par des organisations non gouvernementales, des associations, des institutions publiques, ou des entreprises à but non-lucratif qui appréhendent des sujets de recherche précis. 

C’est par exemple le cas d’Urgewald, une ONG qui, grâce à une connaissance approfondie des énergies fossiles, publie des listes d’exclusion intitulées Global Coal Exit List & Global Oil & Gas Exit List et de Forest IQ, une plateforme de données constituée par un partenariat d'ONG qui, selon Freya Bannochie “confère des données exploitables aux institutions financières pour leur permettre de lutter contre la déforestation”. 

Par ailleurs, des entreprises financières, souvent par souci de transparence, publient certaines de leurs données ESG. D’autres acteurs de la Place, dont les moyens peuvent être plus limités, peuvent ainsi capitaliser sur ces publications pour construire leur propre stratégie de durabilité.

À titre d’exemple, certaines sociétés de gestion, à l’image de Robeco ou de Trecento Asset Management, publient leurs watchlists en annexe de leur Politique d’exclusion. Ces watchlist sont ensuite utilisées par d’autres acteurs qui peinent à trouver des solutions pour identifier les émetteurs à exclure de leurs investissements pour des raisons ESG.

Pourquoi utiliser ces sources de données publiques ?

Face à la ruée vers les données ESG, les sources de données publiques se détachent en présentant de multiple avantages :

  • Transparence et indépendance : la Commission Européenne a récemment proposé un règlement sur les fournisseurs de notation ESG pour mitiger le manque de transparence et prévenir les éventuels conflits d’intérêt. Au regard de ces futures évolutions réglementaires, les données publiques tirent leur épingle du jeu. En effet, elles confèrent généralement un accès direct aux méthodologies (généralement, sous forme de rapport disponible sur les sites internet) alors que, d’ordinaire, les fournisseurs de données privés se gardent de dévoiler leurs méthodes de collecte et d'évaluation. Ainsi, Katrin Ganswindt démontre le caractère transparent de la méthodologie d’Urgewald en déclarant : “nous dévoilons toujours les sources complètes de nos recherches, sur chaque point de donnée”. De plus, les sources publiques confèrent une forme de souveraineté sur leurs données et méthodologies par rapport aux sources privées. En outre, certains fournisseurs de données privés proposent également des activités de conseil aux émetteurs qu’ils notent et sont ainsi exposés à un risque de conflits d'intérêt.
  • Accessibilité et gratuité : les sources de données publiques se démarquent par leur caractère accessible. Souscrire aux offres des fournisseurs de données privés est coûteux et pèse lourd dans les budgets ESG des acteurs qui ont dès lors, des difficultés à trouver des ressources pour assurer la bonne utilisation de ces données dans leurs processus d’investissement. Néanmoins, la recherche de données publiques cohérentes et adaptées aux besoins ainsi que leur exploitation, peuvent s’avérer laborieuses.
  • Périmètre et granularité : aucun set de données, tant par la méthodologie sur laquelle il repose que par son niveau de couverture, n’est à ce jour parfait. Ainsi, croiser différentes sources de données privées et publiques est vivement recommandé afin de garantir un niveau minimal de partialité et de couverture. L’utilisation de données publiques permet notamment de challenger les sets de données privés et ainsi de s’assurer de leur cohérence. Forest IQ, en proposant 3 métriques (exposition, matérialité financière et performance) permet aux institutions financières de comparer plus de 2000 entreprises sur la base d'indicateurs comparables présentes pour chacune des entreprises de la base de données. De plus, les sources de données publiques permettent d’accroître les taux de couverture. Par exemple, prenons un portefeuille investi dans des émetteurs privés et souverains, seuls les émetteurs privés sont couverts par le fournisseur de données privé. Pour améliorer le taux de couverture sur la notation ESG, il est possible d’utiliser une source publique telle que le SDG Index. Ce dernier a été développé par le Sustainable Development Solutions Network et fournit 100 indicateurs par pays associés aux axes de progrès dessinés par les 17 Objectifs de Développement Durable.


Freya Bannochie, Lead chez Forest IQ :

« Les données sur la déforestation sont plus nombreuses que jamais, ce qui signifie que les acteurs financiers n'ont aucune excuse lorsqu'il s'agit d'agir sur le climat et la déforestation. »

Toutefois, le talon d’Achille des sources de données publiques se trouve dans les niveaux de couverture. La liste d’émetteurs couverts est souvent constituée d’émetteurs cotés et reste limitée et non évolutive. Par exemple, la World Benchmarking Alliance (ou WBA) note un échantillon d’émetteurs fixés, se concentrant sur les entreprises les plus influentes et émet le souhait de ne pas étendre cette liste. En outre, les sources de données publiques peuvent ainsi se cantonner à une zone géographique limitée. Dans le même temps, certains jeux de données publics ne sont pas actualisés par une itération régulière de la donnée. Il est possible de ne disposer que d’un seul point de données sans aucune historisation. Freya Bannochie invoque le concept même de durabilité en gageant : “il faut assurer une longue durée de vie à l'outil”. Les données ainsi figées peuvent s’avérer non exploitables car non révisées et il reste impossible de mesurer les trajectoires des données contrairement aux données fournies par le privé qui propose une fréquence de mise à jour de leurs données. Katrin Ganswindt précise l’importance d’une actualisation des données en déclarant : “La liste d’exclusion de 2017 était très innovante, mais elle ne correspondrait plus à nos standards actuels”. Enfin, tout comme les fournisseurs de données privés, les sources publiques se basent sur des données déclaratives des émetteurs et sont ainsi soumis aux biais. Katrin Ganswindt relève que “nos recherches sont aussi bonnes que la qualité des reportings des émetteurs”.

Comment intégrer les données publiques à vos processus d’investissement ?

Si les avantages des données publiques apparaissent nombreux, des enjeux demeurent, notamment pour les formater et les rendre exploitables par les équipes d’investissement : 

  • Identifier les sources de données publiques : les sources de données publiques sont multiples et chacune a ses propres spécificités (zone géographique, fréquence, objectifs, unités de mesure, etc.). Or, aujourd’hui, ces informations ne sont pas centralisées. Les acteurs financiers peuvent donc avoir des difficultés à naviguer entre les différentes opportunités et identifier les sources qu’ils pourraient exploiter.
  • Collecter la donnée : les sources publiques sont souvent accessibles facilement via un set de données téléchargeable directement sur les sites des institutions publiques ou associatives. Certaines sources introduisent tout de même la nécessité de créer un compte et/ou de remplir diverses informations voire de trouver un moyen de disposer de la donnée si ce n’est pas téléchargeable donc implémentable directement (format CSV ou XLSX). Les droits d’utilisation des données impliquent des formats de communication variés. Les données en accès libre ou open source comprennent une licence d’utilisation libre et sont ainsi plus standardisées et utilisables.
  • Formater la donnée : l’exploitabilité des données publiques reste incertaine de par leur format. Auquel cas, la collecte et l’exploitation des données peuvent s’avérer difficiles. Ainsi, une expertise tant méthodologique que technique est nécessaire pour comprendre les sets de données (range, unité, zone géographique, granularité) et les formater afin qu’ils puissent être intégrés au processus de gestion. Par ailleurs, au sein des sets de données publiques, ne figurent pas les codes d'identification des entités/souverains analysés. Cette difficulté d’utilisation implique un travail de matching des points de données.

Quel futur pour les sources publiques ?

Fortes de ces nombreux avantages, les sources de données publiques se développent et intègrent le marché composite de la donnée ESG. Toutefois, contrairement aux fournisseurs privés qui ont les moyens de collecter un volume important de données, Freya Bannochie souligne qu'il “est important de pouvoir répondre aux demandes de tous les types d'utilisateurs de nos données ouvertes."

Se pose alors la question de leur évolution dans la sphère financière : Katrin Ganswindt affirme que “le développement des sources de données publiques ne freine pas, ces sources ne vont pas jouer un plus petit rôle sur la scène des données”, Freya Bannochie quant à elle, imagine un scénario où “les sources de données publiques et privées peuvent fleurir mais le marché de la donnée restera complexe”. 


Katrin Ganswindt, Campaign Manager chez Urgewald :

Le développement des sources de données publiques ne freine pas, ces sources ne vont pas jouer un plus petit rôle sur la scène des données.

WeeFin comme spécialiste de la donnée

Notre plateforme d’agrégation des données ESG Connect permet d’intégrer toutes les sources de données ESG y compris publiques (mises à jour automatiquement lorsqu’un nouveau jeu de données est disponible) grâce à un algorithme de matching qui permet de garantir un taux de couverture élevé. Des contrôles sont directement réalisés dans la plateforme pour vous permettre d’exploiter les données publiques simplement et en toute confiance. 

De plus, notre module Expertise Hub met à disposition une cartographie des sources de données publiques. Cette dernière est actualisée grâce à une veille continue. A la collecte des sources s’ajoute une analyse méthodo-fonctionnelle afin d’évaluer la méthodologie des fournisseurs, les taux de couverture, l’exploitabilité de la source, et les possibles usages de la donnée.

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