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4 min

Comment faire de la Taxonomie un levier dans la gestion d’actifs ?

Souvent décriée et même attaquée en justice par les ONG, le label vert européen peine à trouver sa place dans les pratiques des institutions financières. Pourtant, le potentiel initial de la Taxonomie est indéniable.
Rédigé par
Chloé LHOUSTAU
Publié le
28/5/2023

Les acteurs de la Place restent frileux à prendre de véritables engagements basés sur la Taxonomie environnementale. Alors, comment faire de cette contrainte réglementaire un véritable atout dans la gestion de portefeuille ?

3 ans après son adoption, l’heure du premier bilan est venu.

Le contexte d’apparition de la Taxonomie

Le Pacte vert pour l’Europe, aussi appelé Greendeal européen, voit le jour en 2019, soit trois ans après les Accords de Paris. Il s’agissait alors de définir les fondations de la politique de l’UE sur la transition écologique. Des lors, un levier majeur est identifié : l’orientation des capitaux vers les activités permettant la transition environnementale. C’est à ce titre que nait la Taxonomie Européenne, une réglementation dont l’objectif est de donner un cadre commun permettant de classifier les activités durables au sens environnemental, social et de gouvernance. Toutefois, cette Taxonomie est à ce jour uniquement développée sur la partie environnementale voire climatique et n’inclue pas avec exhaustivité les critères sociaux et de gouvernance.

En bref, quels sont les principes de la Taxonomie environnementale ?

Le cadre commun fixé par cette réglementation permet ainsi de déterminer si une activité est alignée à la Taxonomie, c’est-à-dire si c’est une activité « verte », de la manière suivante :

Etape 1 : l’éligibilité

L’activité économique doit figurer parmi la liste évolutive des activités éligibles à la Taxonomie (environ 90activités à date), telles que définie par la règlementation.

Etape 2 : l’alignement

L’activité économique doit ensuite vérifier 4 étapes afin d’être considérée comme alignée à la Taxonomie :

Et répondre aux 6 engagements environnementaux :

  1. Atténuation du changement climatique
  2. Adaptation au changement climatique
  3. Utilisation durable et protection des ressources en eau et des ressources marines
  4. Prévention et réduction de la pollution
  5. Transition vers une économie circulaire prévention et recyclage des déchets
  6. Protection des écosystèmes sains

Les différentes étapes sont alors vérifiées à l’aide d’indicateurs mesurables et de seuils fixés par la réglementation en fonction de chaque activité, ce qui permet aux entreprises de calculer leur alignement à la Taxonomie. Les entreprises non financières peuvent ainsi publier la part de leurs activités alignées en fonction du CA, du Capex et de l’Opex. Cela permettra notamment d’intégrer au comité d’investissement des entreprises la question des dépenses à réaliser pour« verdir » le CA.

En pratique, comment ça se passe ?

L’utilisation de la Taxonomie pour les acteurs financiers repose donc fortement sur la publication de l’alignement taxonomique des entreprises, rendue possible par la CSRD qui rentre en application à partir de 2024. Cependant, les grandes entreprises qui ont déjà initié l’exercice juge que le cadre fixé par la réglementation est trop complexe et difficile à déchiffrer, ce qui entraîne une mauvaise appropriation des normes fixées par la Taxonomie. Des lors, il existe un risque non négligeable que les informations publiées soient de mauvaise qualité et ainsi inexploitables par les acteurs financiers. Il est donc plus que jamais nécessaire que les régulateurs fassent preuve de pédagogie et définissent davantage les concepts de cette réglementation.

Et pour les acteurs financiers ?

Les sociétés de gestion sont alors tenues de publier la part des investissements réalisés dans des entreprises alignées à la taxonomie, au niveau fonds dans les annexes SFDR (engagement minimum dans le précontractuel et résultat obtenu dans le périodique), ainsi qu’au niveau entité dans l’Article 29 LEC.

Les résultats sont mitigés malgré le potentiel initial de la Taxonomie

La Taxonomie se positionne comme réponse à 3 enjeux majeurs :

  1. Fournir un langage commun
  2. Permettre de classer les activités vertes au moyen de critères techniques de sélection
  3. Assurer une transparence totale de l’impact environnemental des activités des entreprises

Toutefois, à date, l’objectif initial n’est pas atteint puisque les acteurs l’utilisent à des fins de reporting et non comme un moyen de sélectionner les titres. Quelles en sont les raisons ?

  • Des données indisponibles - Une mauvaise articulation avec CSRD a conduit à un décalage dans les calendriers de reporting (corporate vs institutions financières) et impacte l’accessibilité de la donnée à court terme.
  • Une réglementation incomplète - De multiples insuffisances en raison de la faible couverture de certains secteurs ou encore de l’absence de Taxonomies brune et sociale.
  • Une réglementation débattue – Les consensus sur les questions environnementales ne sont pas toujours facile à trouver et des débats sont toujours en cours (ex : l’aviation)
  • La Taxonomie n'est pas auto-suffisante pour qualifier un actif de durable

Ainsi, les engagements d’alignement à la Taxonomie publiée par les acteurs financiers sont pour le moment très faibles, voire inexistants. Selon le Baromètre  publié par WeeFin en Janvier 2023, seuls 3% des fonds déclarent un taux d’alignement à la Taxonomie européenne non nul (compris entre 0,5% et 4%)[1].

Et la Taxonomie sociale dans tout ça ?

La taxonomie sociale vise à devenir un référentiel commun afin d’améliorer la transparence des activités qualifiées de « sociales » et éviter le « social-washing » ainsi que de flécher une plus grande part des investissements vers ces activités qui contribuent aux objectifs sociaux de l’Union Européenne.

La part sociale sera calculée en se basant sur trois objectifs :

  • Assurer un travail décent tout au long de la chaine de valeur
  • Promouvoir l’intérêt des consommateurs
  • Favoriser les communautés inclusives et durables

Bien qu’initialement attendue pour fin 2023, la taxonomie sociale ne devrait pas voir le jour avant 2024 ou2025. Pourquoi ?

Les efforts se sont essentiellement concentrés sur le critère environnemental car il semble moins aléatoire et ne dépend pas aussi fortement des normes culturelles que le critère social !

Comment faire de la Taxonomie un gage de qualité ?

Ne pas limiter la Taxonomie à un simple « tampon vert »…

La vision de WeeFin sur la finance durable est d’engager le plus grand nombre d’investisseurs à intégrer l’ESG à leur stratégie et ainsi flécher les investissements vers des actifs verts.

Comment atteindre cet objectif à l’aide la Taxonomie ?

Il faut faire de la taxonomie un critère de sélection par l’application de seuils (tel que proposé par l’AMF / LabelISR). Cependant, des obstacles majeurs sont à relever tels qu’un manque de pédagogie de la part des régulateurs, un périmètre de couverture encore non-exhaustif(fonds sociaux, small/mid-cap ou PE), un manque de données et le risque de polarisation de l’ESG par une application de critères stricts basés sur la Taxonomie.

… et en faire un levier de différenciation

Alors en pratique, afin de bien utiliser la Taxonomie, nous vous conseillons de :

  1. Dans un premier temps, faire de la Taxonomie un élément contraignant (i.e. critère de sélectivité ou d’exclusion par l’application d’un seuil minimal d’alignement ou des objectifs de progression dans le temps) pour les fonds environnementaux / climat, puis étendre ce scope au fur et à mesure que les données seront disponibles
  2. Compléter les seuils contraignants d’alignement à la taxonomie par d’autres indicateurs (part brune, engagement de réduction des émissions, etc.)
  3. Utiliser la taxonomie pour évaluer la pertinence de l’analyse propriétaire interne qui est réalisée sur le pilier E (associer les critères d’évaluation du pilier E avec la taxonomie pour mettre en évidence les divergences significatives)
  4. Faire de la Taxonomie un levier du reporting au niveau Corporate et capitaliser sur l’effet ‘Groupe entraînant’, notamment en engageant les entreprises à davantage reporter et à se tourner vers des activités alignées à la taxonomie
[1] Analyse de 124 fonds commercialisés en France par 46 SDG
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